lundi 24 octobre 2016

Tahaa

Je continue ma tournée des îles de la Société en prenant un bateau vers Tahaa, connue pour produire la, ou du moins une des meilleures vanilles du Monde. L'endroit où je vais rester ne propose pas de navette depuis le port et en arrivant il n'y a ni bus ni taxi, je suis vraiment sur une île authentique et plus isolée que les autres que j'ai pu traverser jusqu'ici. Heureusement je peux compter sur la gentillesse des polynésiens, et particulièrement celle des habitants de cette petite île. Je suis d'abord déposé au centre du village par une femme qui travaille dans une ferme perlière, puis de  je suis pris en stop par un natif de Tahaa pure souche, avec des bras comme mes cuisses, qui dépasse même son village pour me déposer juste devant la porte de ma pension !

Je me trouve juste en face de Bora Bora que je peux voir depuis la plage :



Mais je suis surtout face au plus beau jardin de corail de Polynésie. J'y vais donc en kayak avec mon masque et mon tuba sous le bras. Le but est de poser le kayak sur la plage d'un motu proche du jardin, la remonter à pieds, puis se laisser porter par le courant au-dessus du corail, pas besoin de nager, c'est quand même royal. Le kayak restant sans surveillance à ce moment là, je n'ai pas pris le risque de prendre mon appareil photo. Le spectacle est dingue, dans un espace très réduit et surtout sans avoir besoin de bouteilles, on peut voir une variété de poissons hallucinante ! Il en est de même pour la flore aux couleurs extraordinaires. Par contre c'est très peu profond et quand on ne connaît pas le chemin à emprunter c'est compliqué d'esquiver les coraux...mais on y arrive. C'est pour cela qu'il existe une excursion encadrée par un guide qui connaît parfaitement le jardin. J'ai adoré me perdre dedans et j'ai fait la boucle trois fois de suite...un régal. Au retour le vent s'est un peu levé, le coup de pagaie était un peu plus physique.

Je ne pouvais pas passer en Polynésie française sans aller visiter une ferme perlière et les fameuses perles noires. Cette fois je m'y rends à coups de pédales, décidément, j'étais venu pour me poser un peu après tous ces kilomètres engrangés depuis l'Australie et la Nouvelle Zélande, et finalement je n'arrête pas une seule seconde...on n'imagine pas la chance qu'on a d'être assis tranquille derrière un bureau.


Je pose à peine le pied là-bas que quelqu'un m'interpelle par mon prénom. Comme à Bora, je gonfle un peu le torse devant un groupe d'américains venu faire la visite, car je connais du Monde même ici, je ne suis pas n'importe qui. En fait il s'agit de la femme qui m'a amené du port jusqu'au village le premier jour. Elle travaille ici et me réserve un super accueil.

La personne qui me fait faire la visite m'explique d'abord comment la teinte de la perle est choisie. Un morceau du manteau d'une huître (l'intérieur de la coquille) est sélectionné pour sa couleur et servira de greffon. C'est donc l'homme qui fait ce choix. Par contre, la forme quant à elle (sphérique, cerclée, en goutte, etc) dépend uniquement de l'huître elle-même, la main de l'homme ne peut pas l'influencer. C'est donc un peu le hasard.



J'ai beaucoup de chance, ce jour là une greffeuse est présente.


Elle incise d'abord la gonade, c'est l'organe sexuel de l'huître. Puis elle y insère le greffon et le nucléus. Ce dernier est en fait une bille fabriquée à base de coquille de moule du Mississipi. Il vient remplacer le grain de sable qui est normalement la base de la perle naturelle. De la betadine est utilisée pour une meilleure cicatrisation. C'est un vrai travail chirurgical. La greffeuse ne peut pas trop ouvrir l'huître sinon elle risque de sectionner son muscle et de la tuer.


Une fois l'huître refermée, elle va créer une couche de nacre autour du nucléus à base du greffon, d'où le choix de la couleur.

Les huîtres sont ensuite refermées puis attachées entre elles.


Tous les trois mois, les huîtres sont ramenées ici pour être nettoyées car le plancton s'amasse dessus et risque de les asphyxier. Elles sont ensuite ramenées proche du récif où il fait plus frais, pour y être plongées à six mètres de profondeur (en apnée).


Voici la plus grosse perle jamais produite ici :


L'épaisseur minimum de la nacre doit être de huit dixièmes de millimètre. En-dessous c'est interdit à la vente, et d'ailleurs, avec une épaisseur trop faible, la sueur suffit à détériorer la couche de nacre. La première fois, l'huître met 18 mois à produire une perle, les fois suivantes elle mettra 12 mois. Les perles blanches de Chine quant à elles peuvent être produites par trente en même temps, par la même huître.

Une visite très intéressante sur quelque chose que je ne connaissais finalement pas du tout. Je ne verrai plus les colliers de perles de la même manière.

Je reprends mon vélo pour cette fois me rendre à l'autre bout de l'île (parce que si cela avait été trop près ça n'aurait pas été drôle) et visiter la Maison de la Vanille. La route est assez jolie mais par contre il y a des côtes et j'ai un vélo à une seule vitesse avec un petit panier devant (et bien entendu il est rose). Je suis obligé de descendre du vélo pour monter, il n'y aura d'ailleurs aucune photo de ces moments dans mon blog, je ne veux pas laisser de preuves.


J'arrive, non sans efforts, à la vanilleraie.


Je suis reçu par un monsieur relativement âgé, complètement anéanti par la chaleur. Il me fait sa visite au ralenti, même ses mots étaient ralentis, au moins j'ai eu le temps d'intégrer tout ce qu'il me disait, à savoir que la vanille pousse sur une liane :


La fleur est pollenisée manuellement, on appelle ça le mariage. Malheureusement au moment de la visite il n'y avait plus de fleurs, on est en fin de production. Puis il faudra attendre neufs mois pour avoir les premieres gousses.


Les gousses de vanille, vertes, ainsi récupérées sont déposées sur ces grands panneaux en tôle pour sécher au Soleil à raison de 5h par jour :


Le reste du temps elles sont mises au sauna, un container qui les déshydrate. Après cette phase on finit le séchage à l'air libre sur ces étagères :


C'est à la fin de ce processus qu'elles obtiennent leur couleur noire. Vient ensuite l'étape du tri. D'abord on dissocie les belles gousses (en haut sur la photo) qui serviront pour les pâtisseries, destinées à l'Europe, des gousses moches (en bas sur la photo) qui serviront pour les produits cosmétiques, et partiront pour les Etats-Unis.


Le second tri concerne la taille de la gousse. Celles de 14cm iront en Allemagne, celles entre 15 et 20cm iront en France et ainsi de suite selon les exigences des différents pays.


Encore une visite instructive. Autant j'étais reparti sans perle de la ferme, autant cette fois je n'ai pas pu résister à l'odeur de cette vanille, qui, du coup, va parfumer mon sac pour le reste de mon voyage.

Je reprends ma route sous un Soleil de plomb. Dès que j'ai trop chaud je pique une tête dans une eau turquoise à deux mètres de mon chemin, quoi demander de plus.


Je ferai également une halte chez Philo, une métropolitaine installée ici depuis une vingtaine d'année et qui fait d'excellentes crêpes !

Le reste de mon parcours est toujours très joli :


Le soir je repense à tout ça devant le Soleil qui se couche sur les bungalows à pilotis :


Mon séjour à Tahaa aura été relativement court mais je suis content d'être passé sur cette île qui a beaucoup à offrir. Je me souviendrai particulièrement du jardin de corail qui est la plus belle sortie en snorkeling que j'ai pu faire jusqu'à présent mais c'est surtout la gentillesse des gens qui m'a le plus marqué ici.

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